mercredi 3 septembre 2008

Quand Khaddafi fils s'offre le silence ou comment avoir un permis de séjour en suisse (source TDG)

Ils disent avoir été «correctement indemnisés». Combien ont-ils reçu? Mystère: l’accord financier passé entre les Kadhafi et leurs ex-domestiques, qui les accusaient de maltraitance, restera secret. Mais il a atteint son but: les deux employés ont retiré leur plainte pénale contre Hannibal et Aline Kadhafi, arrêtés le 15 juillet dans un palace genevois et inculpés de lésions corporelles simples, menaces et contrainte.

Grâce au retrait de cette plainte, la justice genevoise pourrait rapidement classer la procédure contre le fils et la belle-fille de Mouammar Kadhafi. L’affaire n’est pas terminée pour autant: deux Suisses sont toujours retenus en Libye (lire ci-dessous). Par ailleurs, le frère du domestique marocain, arrêté en Libye puis relâché, reste introuvable. Le domestique a saisi le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour disparition forcée. Cette procédure-là se poursuit. Les deux domestiques se trouvent toujours à Genève: ils ont obtenu un permis de séjour temporaire à titre humanitaire en Suisse.

«Pas de pressions»

Dans un contexte de crise diplomatique et de menaces pesant sur leurs proches, le Marocain de 36 ans et la Tunisienne de 35 ans ont-ils cédé aux pressions pour retirer leur plainte? Pas du tout, assure leur avocat, Me François Membrez: «Il n’y a pas eu de pressions. Les conditions n’étaient évidemment pas idéales: on emprisonne des innocents, on parle «d’œil pour œil, dent pour dent», le pays qui les a libérés, la Suisse, se retrouve en situation difficile à cause de cette affaire… Mais mes clients ont pris leur décision librement. Ils doutaient fortement que les Kadhafi se présentent aux audiences. Quel sens aurait bien pu avoir un procès tenu en l’absence des inculpés? Mon client marocain, choqué et très inquiet pour son frère dont on est toujours sans nouvelles, s’est par ailleurs rendu compte que la procédure genevoise ne pourrait pas régler ce problème. Il a donc préféré se concentrer sur la recherche de son frère: il reste déterminé à faire valoir ses droits auprès des Nations Unies. Pour le reste, mes clients ont surtout besoin de repos.»

Daniel Zappelli tranchera

En charge de l’affaire, le juge Michel-Alexandre Graber confirme le retrait de la plainte. Il a entendu les deux domestiques, pour s’assurer qu’ils prenaient leur décision en toute liberté. «Je n’ai pas la prétention de sonder les âmes, explique le juge d’instruction. Mais on voit parfois des symptômes permettant de penser que les paroles d’une personne ne correspondent pas à ses pensées. Là, je n’ai rien constaté qui puisse me faire penser que c’était le cas.»

Le retrait de la plainte met fin à deux des trois chefs d’accusation: les lésions corporelles simples et les menaces. La procédure pourrait en revanche continuer s’agissant de la contrainte, qui se poursuit d’office. Le procureur général, Daniel Zappelli, devra décider s’il abandonne aussi ce volet-là, ce qui mettrait fin aux poursuites.

«Je n’ai pas le moindre doute que tout ça s’achèvera par un classement», se réjouit Me Alain Berger, l’un des avocats des Kadhafi. Lui aussi défenseur du couple libyen, Me Robert Assaël se dit «très content» du retrait de la plainte. Les deux avocats ont-ils mené eux-mêmes des négociations en vue d’un accord financier? «Je ne ferai pas de commentaire», tranche Me Assaël.

Que vont devenir les ex-domestiques? Au bénéfice d’un permis temporaire de séjour, «ils ne vont pas bien du tout», témoigne la députée PDC Anne-Marie von Arx-Vernon, qui les a pris sous son aile. «L’homme est toujours très angoissé pour son frère. Il espère que les ­Kadhafi feront preuve de magnanimité à l’occasion du ramadan et le libéreront, pour autant qu’il soit toujours en vie. Pour l’instant, les ex-domestiques vivent au jour le jour. Je ne peux pas dire comment ils vont imaginer la suite de leur vie.»